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mardi, 28 novembre 2006

Avant-propos

J’ai vu Hubert Grooteclaes, pour la dernière fois, en juin 1994. C’était une fin d’après-midi, dans l’immeuble de la Sacem, à Neuilly. Nous étions quelques dizaines de personnes, réunies pour regarder un film de Claude-Jean Philippe, Léo Ferré par lui-même, qui devait être diffusé un peu plus tard sur la chaîne Arte. On le donnait, ce jour-là, en projection privée, sur invitation. Nous n’avons pas parlé très longtemps. Si j’avais pu savoir qu’il ne lui restait que quatre mois à vivre, je l’aurais immédiatement emmené loin de là, dans ce pays où la mort est photographe et où, par solidarité, elle épargne ses confrères. Alors que, chez nous, la mort n’est rien. Comme cela la vexe, elle fait en sorte d’emporter tout le monde, pour se donner de l’importance. En août, Grooteclaes m’écrivit une carte, l’ultime. Je lui avais envoyé un livre que je venais de publier, qu’il n’avait pas encore lu et à propos duquel il notait : « D’avance, j’aime ». C’était bien lui, ça, à la fois doux et décidé. En octobre, j’appris son départ.

J’ai découvert le travail d’Hubert Grooteclaes en même temps que l’œuvre de Léo Ferré, en 1969. Incidemment. Les pochettes des disques de Ferré présentaient en effet des photographies qui me plaisaient beaucoup et dont bon nombre portaient, en tout petits caractères, « photo Grooteclaes ». Je suis ainsi entré dans son univers et je ne saurais dire pourquoi, au départ, j’ai été fasciné. En y réfléchissant, la raison devait en être que les portraits de Ferré qu’il proposait étaient différents des autres, comme par un regard de tendresse amicale, tout empreint d’un profond respect et d’une honnêteté si évidente qu’il eût été indécent de la nier. Aujourd’hui encore, entre cent Léo Ferré, je reconnais les images signées Grooteclaes, du premier coup d’œil, toutes époques confondues. Je lui ai adressé l’ouvrage que j’ai donné à lire sur le poète, en 1987. C’est encore dans une loge de Léo Ferré que je l’ai rencontré pour la première fois. Je connaissais bien son œuvre, à toutes les périodes de sa création. Je n’ai pas été étonné de voir l’homme en face de moi, il me semblait qu’il était là, depuis toujours. Il ressemblait à son travail et son travail lui ressemblait, c’est dire assez qu’il était un artiste authentique. Sa voix, que j’entends toujours de loin, allait également de pair avec l’ensemble. Pourtant, les circonstances ont fait que je n’ai pu voir que peu de ses expositions, et que la remarquable rétrospective qui eut lieu au Musée de la Photographie de Charleroi, dans l’ancien Carmel de Mont-sur-Marchienne, fut hélas posthume.

Je lui avais, un jour, pour mon plaisir comme pour le saluer, consacré une brève étude, demeurée inédite. Je voulais lui faire ce cadeau, je lui transmis le manuscrit. Il m’a dit qu’il l’avait apprécié et, des années plus tard, toujours dans sa dernière carte, m’en a reparlé. C’est ce texte, dont je suis sûr, au moins, qu’il avait reçu son accord, que je reprends ici, en le complétant parce que le temps a passé et en le récrivant parce que la mort inscrit tout, immédiatement, dans une perspective autre.

00:00 Publié dans Essai | Lien permanent | Commentaires (0)

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