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dimanche, 26 novembre 2006

La tendresse et les filles

Il s’est marié le 15 juillet 1958, et son épouse, Renée (dite Ninette) Halbart, lui a donné trois filles, Marianne, Pascale et Madeleine. Nous connaissons des portraits des deux dernières. Mais c’est Marianne que, du portrait au flou, en passant par le photographisme, l’on retrouve sans cesse. Elle n’a jamais cessé d’avoir cinq ans. Elle ouvre des catalogues, illustre des affiches, passe dans Planète [1] bien protégée par un texte de Ferré, elle est là, sur ce très beau portfolio commenté par ce même Ferré, qui a pour titre, encore une fois, L’Éternité de l’instant, [2] elle est là, en cartes postales, dans tous ces clichés, dans toutes ces œuvres d’art que son père dépose à ses genoux. À ses yeux, serait-il plus exact d’écrire. Ses yeux qui ont ce noir profond de l’enfance, lorsqu’elle regarde la vérité. Joseph Orban a écrit : « C’est une enfant sereine aux yeux grands et bruns et beaux comme une détresse pressentie. À cinq ans, elle avait déjà les lèvres rouges, immobiles et inquiètes. Peut-être se demandait-elle si les arbres qu’elle caressait, si les feuilles qui touchaient son visage étaient vraiment de soie ou si, seulement, son père les avait vêtus de laine pour qu’elle ignore les orties ». [3] Dans les images de Grooteclaes, Marianne est Marianne, hors du temps. Oui, c’est peut-être pour elle, inconsciemment, qu’il réinventa le flou. À jamais protégé, le regard particulier de Marianne. À jamais offerts au vent – et masquant, cette fois, ses yeux – les cheveux de Pascale qui conservera, pincée entre ses lèvres, cette aiguillée de fil et, dans ses mains, son ouvrage d’éternité. À jamais contemplant des eaux lumineuses, mordorées, nous tournant le dos, cette Madeleine. Écoutons encore Joseph Orban : « Quand il peigne les cheveux de ses filles, Grooteclaes met sa vie au bout de l’objectif. Marianne, Pascale et Madeleine, ce sont des images d’infantes sans la douleur. C’est la tendresse qui nargue la violence. C’est de l’amour troublant dans le trou noir du chaos. [4] En regardant les filles de Grooteclaes telles qu’il les voit et qu’il les protège, chaque père voudrait être photographe. C’est le privilège des artistes : en rendant publique leur œuvre, ils font s’envoler les âmes et nous donnent l’amour du talent. 

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[1]. Hubert Grooteclaes et Léo Ferré, Pureté, chagrin d’adulte…, in Planète, n° 22, mai-juin 1965.

[2]. Hubert Grooteclaes et Léo Ferré, L’Éternité de l’instant, Liège, Éditions du Perron, 1984.

[3]. Joseph Orban, Hubert Grooteclaes : la mémoire amarrée, haute, in L’Éternité de l’instant, catalogue d’exposition, Centre Wallonie-Bruxelles, Paris, février-mars 1985.

[4]. Ibidem.

02:00 Publié dans Essai | Lien permanent | Commentaires (7)

Commentaires

Tiens, Joseph Orban. L'as-tu rencontré?

Écrit par : Feuilly | vendredi, 24 novembre 2006

Non, pourquoi ? Je cite un texte.
(Tu ne confonds pas avec Olivier Orban ?)

Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 24 novembre 2006

Parce que je l'ai croisé lorsque j'étais étudiant, c'est tout. J'avais retrouvé sa trace en 2005 sur Langue sauce piquante. Je vois qu'aujourd'hui il tient un blog au sujet d'un voyage nostalgique en Afrique, sur les traces d'un père qu'il a à peine connu.

Écrit par : Feuilly | vendredi, 24 novembre 2006

Eh bien, donne-nous l'adresse, s'il-te-plaît.

Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 24 novembre 2006

http://josephorban.canalblog.com/

Écrit par : Feuilly | vendredi, 24 novembre 2006

Vraiment très ému de me retrouver face à la photo de mon vieil ami Hubert en mettant mon blog à jour.

Écrit par : Joseph Orban | vendredi, 24 novembre 2006

Tiens, j'étais chez vous et je vous retrouve chez moi... Bienvenue.

Je mets en ligne petit à petit un court essai écrit il y a quelques années, que l'édition française ne s'est jamais décidée à publier malgré mes efforts. La plateforme Haut et Fort ne permet pas le sens normal de lecture. Il faut donc commencer par la plus ancienne note.

Je serais ravi que vous participiez.

Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 24 novembre 2006

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