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samedi, 25 novembre 2006

Les lieux, le silence

Grooteclaes peint aussi (et le verbe peindre vient ici tout seul, est-ce un hasard ?) des lieux et des paysages. La première qualité que donne à ces endroits ce flou – qu’on ne peut nommer autrement que « le flou Grooteclaes » - est celle du silence. Belgique, Italie, Fort-de-France – il titre rarement ses images ; le plus souvent, il se contente d’un lieu et d’une date, si bien que des sujets différents portent souvent les mêmes références – autant d’îlots de calme. Il est même parvenu à nous offrir un boulevard Saint-Michel où ne s’entendent pas les voitures, où une motocyclette passe sans bruit, où les arbres se reflètent avec mutisme sur le trottoir mouillé ; un jardin du Luxembourg où même le kiosque à musique se tait ; une île Saint-Louis où personne, jamais, n’a dû mettre les pieds, où le banc public est flou, où la Seine est aveuglante de silencieuse lumière. Le soleil, chez lui, ne fait pas davantage de bruit. En Martinique, un voilier a fermé ses voiles, les fauteuils qui entourent la piscine sont vides, l’eau reste calme et sans paroles. Et cette Belgique sous la neige rejoint ce Paris où, au bistrot La Contrescarpe, un Vélosolex esseulé n’a emmené dîner personne. Les tournesols d’Italie regardent le soleil et l’objectif en même temps – l’artiste est le soleil – mais aucun vent ne les caresse. Grooteclaes n’est jamais grandiloquent. On ne trouvera pas ici de sites majestueux ou de monuments hautains. Pas de cathédrales gothiques, pas de grands clochers de Belgique, pas de grève d’Ostende… Bien mieux, un intimisme dont la simplicité est proche de l’universel. Les chaises du Luxembourg (deux images différentes, toutes deux dites « Jardin du Luxembourg, Paris, 1981 ») sont, sur ce plan, une parfaite réussite de douceur, de mutisme et d’absence. Pas de scènes maritimes, non plus. D’Aubel où il naquit à Embourg où il vivait, on ne s’éloigne pas de Liège, on reste à l’intérieur des terres. Comment dire le silence ? Raconter les photographies d’un poète ? En cet endroit, intimement têtu, où l’on demeure seul, à regarder des affiches déchirées, décollées, au n° 55 d’on ne sait quelle rue du Paris de 1963, où l’on voit en orangé l’annonce des Marx Brothers, mais en rose un film de Buñuel, où une œuvre de Carné côtoie le judo et le cours Charlemagne. En cet endroit où du linge sèche sur un étendoir planté sur un bout de terrain (« France, 1987 », dit uniquement la légende) ; aucun vêtement, jamais, n’a été aussi vide, aussi inhabité que dans l’espace sans paroles de Grooteclaes.

04:00 Publié dans Essai | Lien permanent | Commentaires (0)

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